Club taurin de Paris
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Réunion du 25 novembre 2009

Jean Marie Bourret, la vie quotidienne dans une grande cuadrilla

Le monde taurin est le dernier rêve de la vie pittoresque. Jean-Marie Bourret (Nîmes 1956) a souvent partagé les aventures de Christian Montcouquiol Nimeño II. Ils ont vécu à Salamanque au dernier étage d’un immeuble, dans une chambre misérable louée à une veuve, mangeant au restaurant universitaire et à l’Hospice des pauvres, dans l’attente d’une tienta promise par Manolo Chopera et qui ne venait pas, ce qui abattait totalement le moral de Christian.

Alors, Jean-Marie prétendit avoir gagné de l’argent en jouant aux cartes avec des gitans sur le bord du fleuve et emmena son camarade dans un restaurant sélect de la ville, où ils engloutirent plusieurs plats, malgré l’inquiétude grandissante de Christian sur les finances de Jean-Marie, toujours rassurant, mais qui ne mangeait pourtant pas son magnifique morceau de viande et faisait une tête d’hidalgo fâché, appelant le maître d’hôtel d’une voix trop forte qui résonna déplaisamment dans ce local aux bruits feutrés et, devant un

Christian livide, montra au très digne employé une mouche qui se dissimulait sous la viande, lui faisant remarquer d’un air hautain le caractère répugnant de la chose. Le coup réussit, ils ne payèrent pas et finirent le repas.

 

 

                Après un accident de la route qui le tient éloigné de la piste (fêlure de vertèbres), mais pas du monde taurin où il fut chauffeur ou bien valet d’épée, il se résolut à abandonner l’idée de devenir une figure et se fit banderillero. Très vite, il choisit d’être troisième, celui qui plante la deuxième paire de banderilles à chaque taureau, et doit être préssent à tout moment quand ses camarades font la lidia. C’est aussi lui qui puntille les taureaux -il nous en avait exposé tous les détails lors qu’il était venu au Club le 19 novembre 1994.
A l’époque, le marché français était dominé par une mafia d’espagnols immigrés dans les années 50, les Pepe de Montijo et autres. C’est Richard Milian qui lui mis le pied à l’étrier. Il suffisait de pouvoir démarrer et ensuite le bouche à oreille lui créèrent une réputation qui lui apporta des contrats. Mais toréer avec Richard Milian n’était pas sans désagrément et un après-midi, lors d’une course à Fréjus, un taureau lui fit “voir le diable” ; il lui arracha la cape, ce qui lui provoqua une panique dont il n’était pas encore remis le soir, désirant fermement changer de métier.

                Mais l’aficion l’a ramené sur le sable et sa carrière s’est développée grâce à Andrés Luque Gago, alors apoderado de Rafael de Paula, avec qui il a toréé en France.  Plus tard, il se partageait entre Richard Milian et Christian Nimeño jusqu’ au 15 août 1988, où il dût choisir Richard, ce qui entraîna un veto de la part d’Alain, qui était l’apoderado de son frère. Mais Christian a changé d’apoderado et Jean-Marie est revenu dans la cuadrilla en 1989, participant à 37 courses  jusqu’au fatal Miura de Béziers. Ensuite, il a été indépendant, toréant en France avec Chamaco fils, mais refusant d’aller dans sa cuadrilla stable en 91 car les voyages lui auraient coûté trop cher.
C’est alors que Enrique Ponce est entré dans sa vie. Grâce à AntonioTejero, qui lui avait une obligation, il est entré dans la cuadrilla du jeune et méconnu Ponce à Valence, exécutant un magnifique coup de puntilla à un taureau tombé, mais encore vivant, ce qui permit au maestro de couper une oreille. La situation de la cuadrilla était complexe, un banderillero n’avait plus qu’une année à faire avant la retraite, Mariano de la Viña, qui était parti avec Mendes, souhaitait revenir. Des promesses avaient été faites à Jean-Marie, mais Ponce ne met personne à la porte. C’est ainsi qu’il y eut quatre banderilleros devant la porte. Mais les blessures de l’un, le temps, la promesse d’Enrique -et c’est un homme de parole- le firent entrer définitivement dans cette équipe classique désormais : M. de La Viña, A. Tejero, J.-M.Bourret, A. Saavedra, M. Quinta.

Sous cette apparente unité au combat se cachait les mesquineries de la vie ordinaire. A.Tejero, qui est un bon banderillero, mais “un cataplasme à la cape”, malgré les explications que Ponce fournissait volontiers le soir après course faite sur la manière adéquate de lidier, s’était assuré l’amitié de Enrique. Peut-être pour compenser cette infériorité connue de tous, il médisait sur ses compagnons, accusant Bourret d’être le seul à boire de vin, ou Victoriano Valencia, gendre de Enrique, de porter la poisse. L’ambiance était tendue et Jean-Marie jouait en fait un rôle de tampon, dont l’absence s’est révélé fatale aux apparences, Mariano et Antonio en venant aux mains à Iscar, après son départ.
Il y avait heureusement de beaux souvenirs de combat, comme cette soirée madrilène. Ponce avait fait une grande faena, le taureau était tombé et Jean-Marie a traversé  toute la piste  pour le puntiller et déjà les spectateurs avaient sortis leurs mouchoirs, il allait vers le taureau noir au milieu de la neige.

     La carrière active de Jean-Marie Bourret est terminée. C’était beau. Le jour de sa dernière corrida de  Nîmes, il portait  un costume noir et rouge, comme celui de sa première course avec Enrique, lequel lui a brindé un taureau et lui a dit : “Je suis très fier d’avoir fait une partie de ma carrière avec toi”. Cela a été le plus des cadeaux.

     Philippe Paschel

      

  

Quelques échos de la soirée de 1994
Jean-Marie BOURRET est depuis longtemps aficionado à la puntilla. Il s'entraîne chez lui avec deux parpaings sur lesquels sont placées plusieurs épaisseurs de carton et au milieu une petite feuille de chêne. Il frappe en s'entraînant à la fois à la précision et à la force. En voyage, il a une sorte de sac en caoutchouc sur lequel il place une pièce de monnaie, et qui joue le même rôle.
                La suerte peut se réaliser avec n'importe quel couteau pointu et aiguisé. Les changements de puntilla relèvent de la superstition.
                L'acte se fait par devant ou par derrière selon l'état du taureau. Si l'animal baisse la tête et découvre l'endroit où il faut frapper, on reste devant. Si le taureau relève trop la tête, il faut passer par derrière. Il faut aussi savoir que certains taureaux se relèvent si l'on s'approche d'eux, ou donnent des coups de corne.
                Une anecdote : à Játiva, l'an passé (1993), un taureau qui était tombé après un descabello foudroyant s'est relevé sous la puntilla.