in memoriam JJO
Le 14 avril 1999, la corrida a saisi par hasard Yves Charnet. C’était à Séville et un désastre. Mais depuis, il ne cesse d’en déployer les replis dans ses “vers prosés”.
Une seule citation des textes qu’il a lu cette soirée : “Les toréros regardent la corrida avec les mains”.
On peut lire des extraits du Roman de Juan B. dans la revue Terres Taurines n° 6 (hiver 2006) p. 86-93 et n° 7 (avril 2006) p. 156-158.
Séville, 14 mai 1999 : 5 taureaux de Manolo González, 1 d’Antonio Ordóñez [3 taureaux ont été changés en piste] pour Raul Gracia El Tato (silence et grande ovation), Victor Puerto (silence aux deux) et Eduardo Dávila Miura (silence après demande d’oreille et tour de piste très applaudi). Seul le neuvième et ultime taureau sortit le public de la torpeur grâce à un toréo exact réalisé par Dávila Miura (6Toros6 n° 251).
La lecture était accompagnée d’un guitariste qui a joué son rôle d’évocation de l’Espagne, avec une touche mexicaine quand le texte l’indiqua. Mais était-ce bien la musique que jouent les mots et les phrases d’Yves Charnet ? Il a cité lui-même : Olé, Music Matador, John Coltrane, Albert Ayler.
OLÈ (NYC, 25 mars 1961) : le rythme profond de deux contrebasses (Art Davis et Reggie Workman), la polyrythmie de la batterie (Elvin Jones), une harmonie répétitive au piano (McCoy Tyner), qui laisse entrevoir le thème sur lequel improvisent successivement John Coltrane (saxe soprano), Eric Dolphy (flûte) et Freddie Hubbard (trompette) avant que le pianiste ne joue le thème (à 6 mn 31 s.), un thème de la République espagnole El Quinto Regimiento ...
MUSIC MATADOR (NYC, juin-juillet 1963) : un calypso écrit par Prince Lasha - mythique et oublié, qui joua au New Morning de Paris le 15 octobre 1984 devant 15 personnes-, fondé sur une alternance thème/solo. Le thème très dansant, déambulatoire, avec un obligato de clarinette-basse de Dolphy ; les solos dans un style plus rugueux, free.
THE TRUTH IS MARCHIN’ IN est le thème que joua le quartet d’Albert Ayler aux funérailles de John Coltrane : un hymne traditionnel qui se serait égaré dans une fanfare trise (Ph. Carles in Jazz-Magazine n° 146 de septembre 1967).
Entendre un auteur lire ses textes peut en révéler l’écriture. Des phrases courtes dont on serait tenté à la lecture de sauter les points comme s’ils étaient des virgules, sont marqués comme des vers. C’est une rythmique nécessaire. Chaque séquence -chaque paragraphe dans la version publiée- débute par ses phrases courtes qui indiquent une situation sentimentale, prépare la mise en scène de l’épisode, puis la phrase prend de l’ampleur, se construit, l’histoire est racontée. Thème et improvisation.
Entre deux vigoureuses interprétation de El Gato Montés et Marcial, eres el más grande par l’orchestre des arènes de Madrid, Norman Mailer lit d’une voix hachée des extraits de The Matador, une sorte de défense de la place de la corrida dans la société mexicaine.
(CBS-Legacy records. 32-A5-00007. P.1961 ; © 1967).
Philippe PASCHEL
6/05/2006