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Compte rendu de la réunion du 21 mai 2004
Hommage à Paco Tolosa




Pour ceux qui l'ont connu Paco Tolosa, c'était d'abord une mémoire prodigieuse des faits (dates des corridas, noms des toréros), mais aussi une mémoire "cinématographique" qui lui permettait de décrire une faena longtemps après qu'elle avait eu lieu. Cette mémoire lui permettait d'expliquer le comment et le pourquoi des faenas. Paco Tolosa, en ceci opposé à Claude Popelin - autre membre illustre de notre Club-, ne jugeait pas à partir de théories, mais à partir de ce qui s'était déroulé en piste (F.Wolff). Il se voulait dans la position du spectateur, avec sincérité et indépendance d'esprit et avait même une certaine volupté à appeler un chat un chat (A.Berthon). Il avait toujours un oeil neuf, appréciant la tauromachie qui change comme la société change, sachant "voir" le plus grands nombre possible de toréros et s'intéressant toujours à ce qui se passait. Après sa retraite annoncée des ruedos en 1977, il continua d'aller voir ceux dont on parlait [Paco Ojeda, le 19 juillet 1983 à Mont-de-Marsan] et, à la fin de sa vie, il ne manquait pas de regarder les émissions de Canal+ et suivait attentivement El Juli ou José Tomas. Sa carrière d'aficionado a été exceptionnellement longue : il a assisté à sa première course à Toulouse, le 14 juillet 1921 [Taureaux de Felipe Montoy pour Paco Madrid, Julían Sainz Saleri II et Manuel Granero ; compte rendu- dans Pierre Berdoues, Histoire de la tauromachie à Toulouse, UBTF, p. 90] et à sa dernière à Céret, le 14 juillet 2000 [Taureaux de Barcial pour Meca, Porras et Gómez Escorial].

Amateur de rugby, il aimait le combat, la lidia, mais adorait aussi les artistes. C'était un homme de culture, qui allait voir des expositions, allait au cinéma, assistait à des représentations théâtrales et aimait particulièrement le ballet. C'est cette sensibilité aux arts qui en faisait un grand aficionado.

Ses maitres en tauromachie était pour l'écriture Don Candido et pour l'aficion Raymond Massoutier, qui avait assisté à l'évolution de la corrida depuis la fin du 19ème siècle jusque au milieu du 20ème, sans nostalgie.

Araceli Guillaume-Alonso nous rappela qu'Auguste Lafront a été un des grands historiens de la tauromachie. C'est un des premiers à avoir affirmé que le toréo à pied est premier et ne provient pas de la tauromachie à cheval. Il avait exprimé une idée forte : "La corrida moderne naît avec l'ordonnance du temps en trois tiers, à la fin du 18ème siècle". Chargé dans la revue Toros (Nîmes) des compte-rendus de tout ce qui paraissait sur la question, il avait naturellement acquis un vaste savoir. On trouvera dans la bibliographie jointe la liste de ses principaux ouvrages, mais il faut insister sur l'importance du livre consacré aux récits de voyageurs étrangers, d'abord publié en espagnol, puis réédité et amplifié en français. Ce n'est pas une simple compilation de textes, mais on y trouve aussi une analyse sur leur véridicité, voire leur authenticité.

Sans être un théoricien, Auguste Lafront nous a laissé une taxinomie qui a marqué les esprits et qu'il avait exposée dans Toreros d'aujourd'hui (Paris, Arts et Industrie, 1959), classant les toréros en : scientifiques, artistes, belluaires et pathétiques. Il revint à Francis Wolff de nous analyser ces catégories, en nous en montrant l'efficacité et les lacunes, particulièrement à propos d'Antoñete, que Lafront, en 1959, classait dans les scientifiques, tout en reconnaissant qu'il n'était pas si efficace. Pour notre temps, Francis pense que, si cette taxinomie n'est pas dépassée, les toréros que nous voyons ressortissent à plusieurs classes à la fois.

La soirée avait commencé par la diffusion de la vidéo du film "La Corrida" de Pierre Braunberger, auquel Auguste Lafront avait collaboré, comme scénariste, documentaliste et auteur d'un premier commentaire technique, lequel fut révisé par Michel Leiris à la demande du producteur. Annie Maïllis nous exposa les avatars de ce texte et les péripéties de la réalisation [On en trouvera les détails, et beaucoup d'autres choses, dans la revue Archives , n°66/67 de mars 1996, publiée par l'Institut jean Vigo-Cinémathèque de Toulouse]. Ce film sorti en 1951 eut un gros succès, faisant plus d'entrée que Riz Amer [Rizo Amaro de De Santis, avec Silvana Mangano].

Bernard Bastide nous apprit que Auguste Lafront avait été un grand amateur de cinéma, comme tous les gens de sa génération. Sa mémoire tauromachique remontait à 1916 [avant les taureaux donc], mais qu'il avait été plus loin, en assurant des critiques dans la presse, dans le Télégramme de Toulouse, puis vivant à Paris, dans divers organes toulousains. C'est ainsi qu'ayant fait l'éloge d'une jeune actrice, Florelle, il fut invité à la rencontrer après une représentation théâtrale dans sa loge, le champagne étant au frais ...

Le film de Braunberger n'était pas la première intervention de Paco Tolosa dans le cinéma. Il avait participé à un film de Jean de Limure, "El Toreo", réalisé spécialement dans les arènes de Dax avec Antonio Marquez. Ce film présenté à l'Atrium le 26 août 1939 est resté quelque temps à l'affiche dacquoise, mais devant la tournure des événements politiques, le producteur, un mexicain nommé Zayas, retourna dans son pays avec les bobines.

La soirée se termina d'une manière très émouvante par la diffusion d'un extrait du film réalisé par Bernard Bastide, au cours duquel Auguste Lafront "Paco Tolosa" racontait ses souvenirs de sa voix à l'accent toulousain que malgré son exil parisien, il n'avait jamais perdu.
Ph. Paschel

Bibliographie

Technique et art de la corrida, Toulouse, 1934 ; Nouvelle édition revue et augmentée, Toulouse Imprimerie ouvrière, 1947.
La Corrida, Tragédie et art plastique, Paris, Prisma, 1948.
Encyclopédie de la corrida, Paris, Prisma, 1950.
Toreros d'aujourd'hui, Paris, Arts et Industrie, 1959.
Histoire de la corrida en France, Paris, Julliard, 1977.
La tauromachie de Gustave Doré (en collaboration), Union des Bibliophiles Taurins de france, 1984.
La Fête espagnole des taureaux vue par les voyageurs étrangers (du XVIe au XVIIIe siècle), Union des Bibliophiles Taurins de france, 1988.